Pas dans la dentelle

vendredi 11 juillet 2008

Gros article de Mustapha Kessous, en page 16 du numéro du 8 juillet, consacré aux conséquences de la délocalisation en Tunisie de la société de lingerie féminie Aubade : « Les damnées de la dentelle ». Gros article, mais pas mal de petites questions…
Par exemple, à Ksar Hellal, le nouveau site tunisien d’Aubade, c’est la pause déjeuner : une « étudiante » (petit boulot, fille d’ouvrière ? On ne sait) a « préparé des sandwitchs pour quelques centimes de dinars » : bizarre, le dinar tunisien est en fait divisé non pas en centimes, mais en millimes, on a donc du mal à estimer le prix réel des dits sandwitches ; l’environnement local nous est décrit comme « un vrai dépotoir », mais qualifié ensuite de « décorum » ; les ouvrières « mangent avec les doigts » car « pas de cuiller », mais on ne sait si c’est un choix (encore qu’une salade…) ou résultat de la misère (étonnant, quand même). Une « vieille dame » (même genre de questions que pour l’étudiante) sert le thé à la menthe…
L’usine n’est pas climatisée, mais « réfrigérée » (ce qui paraît bizarre vu qu’il n’y a pas de denrées périssables) ; les « cinq prières quotidiennes sont proscrites » : la prière pendant le travail, on peut le croire, mais pas les cinq puisque le Coran les échelonne de l’aube à la nuit complète, ce qui dépasse de loin les neuf heures de travail par jour annoncées.
On a droit bien sûr à un ou deux de ces traditionnels verbes déclaratifs sans objet, par exemple :  » « Il y a beaucoup de pleurs » détaille un employé », ce qui ne détaille rien. Enfin, une photo à peu près illisible (« les abords de l’entreprise ») n’apporte aucune information.
Le grand patron, en Suisse, dit : « Je n’y suis jamais allé, mais ça m’étonne ». On ne ne nous dit cependant rien sur ce qui pourrait bien l’étonner…
Quant à la question du salaire, elle est présentée de manière très confuse, et c’est au milieu de chiffres horaires compliqués (et pas toujours cohérents) qu’on apprend enfin que les Tunisiennes gagnent 200 euros par mois contre 1 000 pour les Françaises… Mais comme toujours dans ce genre de débat, c’est en euros qu’on nous donne le salaire des ouvriers du pays de délocalisation, et non en monnaie locale, sans jamais nous indiquer quelle est le taux de conversion. Même si un des sandwitches cités plus haut valait 10 centièmes de Dinar, cela ne ferait, au cours officiel, que 5,5 centimes d’euro, ce qui n’est pas cher et donne à penser que le cours officiel (1 Euro pour 1,80814 DT) ne correspond pas vraiment à la réalité, et donc, comme souvent dans ces cas-là, que 200 euros mensuels annoncés représentent en fait, en pouvoir d’achat tunisien, plus que ce qu’on pourrait croire, et donc que cela ressemble un peu à une dévaluation déguisée.
Tant mieux pour les ouvrières tunisiennes, mais cela ne consolera pas leurs collègues de la Vienne, sans pour autant appauvrir l’entreprise suisse…